Chapitre:
3
Antoine a plus de 13 ans, Luca, 11 et Armelle 10. Je me regarde dans la glace, j'ai toujours l'âge que j'avais lors de mon passage en zone 1.
Je ne vois ni ma femme, ni mes filles, mais au fond du jardin, j'aperçois les unistes de ma famille qui discutent à l'ombre du tilleul. Je sors, me dirige vers le petit groupe, Mon grand-père maternel et mes arrière-grands-parents paternels sont de couleur très terne, presque transparents... Le temps que j'arrive près de leur groupe, ils sont cinq à disparaître ensemble... Ils s'effacent comme un mirage. Mes grand-parents paternels et ma grand-mère maternelle restent parmi nous, ainsi que mes parents...Nul ne sait oû sont partis les autres...Je ne vois toujours pas ma femme, elle a dû sortir faire quelques courses dans le village.
Je discute quelques instants avec mon père, mais je me sens fatigué. Et je retourne m'allonger sur le canapé...
Je me réveille en 2036...
Le ciel est noir d'hélicoptères de toutes les couleurs qui font un vacarme épouvantable et tourbillonnent dans tous les sens... Ce bruit... Comment peut-on vivre dans ce bordel ? Sans doute ont-ils remplacé ou du moins supplanté les voitures. Ils sont si nombreux qu'on ne voit presque plus le soleil. La mienne, de voiture, est toujours là dans le jardin mais je n'en vois pas d'autres.
Tous mes grand-parents ont disparu... Seuls restent mes parents... Ma femme a rejoint la zone uniste à l'âge de 80 ans... Moi, j'en ai toujours 65.
Anne et Christophe, à la retraite tous les deux, ont racheté la maison. Antoine qui a 37 ans est marié et a lui-même des enfants. Armelle, qui était encore un bébé il y a quelques jours encore, dans mon temps uniste, a 34 ans et n'a qu'un garçon et Luca, 35 est marié et a deux filles et un garçon...
Je vais faire un tour dans la rue et je ne reconnais plus rien...
Une immense fosse à purin... dans laquelle les gentils compagnons à deux pattes, les uns sur des échasses, d'autres avec des cuissardes, se laissent guider par leurs clébards qui les mènent au bout de leur ficelle. Ils portent un masque, sans doute pour filtrer l'odeur... Le bruit des aboiements est intense... Les clebs entrent dans les magasins, terrorisant commerçants et clients. Certains baisent des clébardes, d'autres attendent leur tour, mais ça, ce n'est pas dramatique. D'autres encore s'aboient les uns après les autres, se mordent, mordent les gentils compagnons à deux pattes, les dépècent, les dévorent en se léchant les babines... et se partagent leurs os... Tout se passe dans l'indifférence générale. Je n'ose imaginer l'odeur que doit dégager ce cloaque !
Je vois quelques unistes qui considèrent ce tableau, les uns avec dégoût, mais la plupart ne manifeste pas le moindre étonnement. Ils ont l'air de trouver ça normal. Quant aux gentils compagnons à deux pattes zéristes, ils ressemblent à des fantômes, entraînés malgré eux dans cet enfer surréaliste et nauséabond... Dieu merci, je ne sens rien !
Ecoeuré par ce spectacle, je me dis qu'il vaut mieux aller voir ailleurs. Etant donné le nombre d'hélicoptères, je pense qu'il y aura moins de trafic sur les routes et les autoroutes. Je prends ma voiture et démarre pour échapper à cet univers cauchemardesque...
Dès que je suis sorti du village, c'est le désert... Plus de clébards... Plus de gentils compagnons à deux pattes... Peu de voitures... Mais toujours les hélicoptères dans le ciel. En une demi-heure je suis sur l'autoroute et je constate que mes prévisions étaient justes... Presque personne...
J'arrive à Lyon en un temps record. Direction Paris. Je m'arrête sur la même aire que l'autre jour, lors de mon premier voyage. Les hélicoptères tournoient toujours, mais j'ai fini par m'y habituer et je n'y fais plus attention...J'aimerais bien rencontrer de nouveau Cendrillon ou petit Chaperon vert.
Justement elles sont là toutes les deux. Les quatre vieillards gâteux de l'autre jour n'y sont plus, mais quelqu'un est avec elles et ce quelqu'un les remplacent avantageusement...
Jules Hyen le Perse... lui-même... en personne...
- Bonjour, bonsoir... Chacune, chacun...! Immense bonjour... Vrai bonsoir... Véritable bonjour... chacun... chacune... Comment allez voubien ? j'espère... Merci... Cadeau... Oui gagné... alors moi je dis, Tautaul hrispéct... Immense bonsoir... Immense bonjour... Holalalalalololololo... cadeau... alors, moi je dis... bien joué... cadeau... alors moi je dis tautaul hrispéct... bien joué... cadeau...oui gagné... chacune, chacun... chacun... chacune... alors moi je dis tautaul hrispéct... bien joué... cadeau... je vous aime... Holalalalalololololo... chacun... chacune... Immense bonsoir... bien joué... alors moi je dis tautaul hrispéct... Comment allez voubien ? cadeau...oui gagné... Holalalalalololololo... alors moi je dis...
Et le khon s'arrête, ne sachant plus que dire.
Je m'approche des deux filles.
- Qu'est-ce qu'il fout là le champion des khons ?
- Tu ne sais pas ? me demande Cendrillon. En 2001, Jules était assuré d'être le roi des khons, mais aux élections présidentielles américaines c'est W. Bouche, l'homme qui ne peut pas marcher en mâchant son chouingomme parce qu'il est incapable de faire deux choses en même temps, qui a été élu et le monde entier l'a entendu parler et l'a vu. Jules a bien été obligé de reconnaître qu'il était battu sur le chapitre de la Khonnerie. Il savait bien qu'il existait un dicton qui dit : “s'il en trouvait un plus khon que lui, il le tuerait pour rester le roi,” mais cet abruti, incapable de se le rappeler exactement les paroles, s'est flingué lui-même au lieu d'aller flinguer W. Bouche qui menaçait son titre... Depuis il se déplace sur des aires de stationnement et répète les khonneries qu'il débitait quand il était dans la zone zéro...
- Holalalalalololololo... Immense bonjour... Holalalalalololololo... Cadeau... alors moi je dis, oui gagné... alors moi je dis Tautaul hrispéct... Immense bonsoir... Immense bonjour... Holalalalalololololo... cadeau... alors moi je dis bien joué... oui gagné... cadeau... alors moi je dis tautaul hrispéct... alors moi je dis bien joué... cadeau...oui gagné... chacune, chacun... Holalalalalololololo... alors moi je dis tautaul hrispéct... alors moi je dis...
- Bon ! les filles, c'est bien beau tout ça, mais on ne va pas rester ici à écouter ce demeuré ! Qu'avez-vous l'intention de faire ?
- Ce que tu voudras, me répond Cendrillon. Mais tu sais les distractions sont assez restreintes ici. Sur les autoroutes, on ne trouve guère que des unistes, les zéristes, comme tu as pu t'en rendre compte se déplacent en hélicos. Les villes sont des mares de merde de clébards. Si tu voyais Paris ! C'est une immense fosse à purin. Et Lyon alors ! qui était une si belle ville !
Petit Chaperon vert prend alors la parole.
- Tu sais, nous avec Cendrillon, Sophie, Blanche-Neige et quelques autres nous sommes immortelles et tu nous trouveras dans toutes les zones. Mais pour toi, ton temps uniste est limité à une centaine d'années. Nous sommes maintenant en 2050, il ne te reste plus beaucoup de temps... Je ne devrais pas te le dire, car c'est un secret, mais quand tu sortiras de la zone 1, tu iras dans la zone 2. Je ne suis pas autorisée à te révéler ce que tu y trouveras, mais sans doute ce sera plus amusant pour toi... La seule chose que je puisse te dire c'est que tu nous y reverras si tu le souhaites... Nous sommes partout mes amies et moi et nous ne vieillissons pas.
- En attendant, dit Cendrillon, nous pouvons te distraire un peu si tu nous emmènes en voiture. On va circuler et tâcher de trouver des khons, dans le genre de ce dégénéré, pour nous distraire... Ou alors on s'amusera ensemble...
- OK, ma poule. Allons-y.
Et nous voilà partis tous les trois, pendant que Jules Hyen le Perse continue à hurler en lançant des bouts de papier en l'air.
Pour moi il s'est écoulé presque vingt ans depuis que je suis reparti de chez moi. Nous sommes en 2055 quand nous quittons l'aire de stationnement.
Direction Paris pour voir ce que les gentils compagnons à deux pattes en ont fait avec l'aide de leurs gentils compagnons à quatre pattes.
En chemin nous trouvons Sophie sur une aire vers Fontainebleau. Elle me saute au cou.
- Je suis contente de te revoir, Jean-Claude. Je n'oublierai jamais que tu as fait mon bonheur alors que cette salope de comtesse de Ségur avait écrit mes malheurs et avait fait de moi une vilaine petite fille.
- Et moi, ma poulette, je suis content de t'avoir fait plaisir.
Nous arrivons à Paris. Une immense colonne de fumée provenant de la merde des gentils compagnons à quatre pattes monte vers le ciel rempli d'hélicoptères encore plus qu'ailleurs.
- Si on évitait cette merde ? dis-je à mes gentilles petites camarades.
- OK ! comme tu veux, me répondent-elles toutes les trois. Oû veux-tu aller ?
- Je ne sais pas, je n'ai plus d'envies.
En fait, je ressens une immense fatigue, je vois mes mains sur le volant devenir diaphanes...
- Arrête-toi à la prochaine aire, me dit Cendrillon, tu es au bout du rouleau.
Je lui réponds d'une voix très faible.
- A tes ordres ma poule. Vous êtes sûres qu'on se reverra tous les quatre ?
- Si tu le désires, oui. Nous serons toujours ravies d'être avec toi, oû que tu sois.
J'aperçois un panneau indiquant un parc de stationnement, je m'y engouffre, descends de voiture. Je ne vois presque plus mon corps. Il est translucide maintenant.
Mes trois copines, me tiennent par les mains et par le cou.
- A très bientôt Jean-Claude.
Je me sens fondre comme si je m'engouffrais dans le néant...
maintenant,laisser-moi le temps!lol
Ecrit par cat-caro, le Jeudi 11 Novembre 2004, 18:46 dans la rubrique "Vous Voulez L'accueil ??? Eh Bien, La Voici !!! ".